Les entreprises sont souvent réticentes à engager de nouveaux salariés. Notamment à cause du manque de flexibilité contractuelle à l'embauche. Le lancement de la première plateforme de prêt de salariés en France, Flexojob, pourrait radicalement changer les choses.
Vous ne désirez pas licencier un employé parce qu'il n'y a plus de boulot? Vous avez monté une start-up et avez besoin temporairement d'un salarié? Vous avez répondu à un appel d'offre et l'intérim vous coûte trop cher? Aujourd'hui, une solution existe: il vous suffit d'emprunter un salarié.
Le prêt de salariés pour sauver des emplois
La plateforme parisienne Flexojob, récemment créée en France, permet de prêter et d'emprunter des employés. Depuis mars 2012, le prêt de main d'oeuvre est légal en France. Le prêt de salarié doit être réalisé à but non lucratif et sur un laps de temps déterminé. Sur Flexojob, le prêt de salariés varie par exemple de 1 à 4 semaines.
Le prêt de salariés se développe dans des secteurs d'activité comme la coiffure, l'architecture ou la restauration. Ses promoteurs vantent son efficacité pour lutter contre le chômage et sa flexibilité pour des entrepreneurs qui démarrent leur activité et qui ne peuvent pas embaucher.
La flexibilité de l'emploi prend des formes très variées: licencieusement, baisse de salaire, rémunération à la performance, externalisation, etc. Pour une entreprise, la masse salariale a toujours représenté un coût de fonctionnement important. Particulièrement en période de crise. Le prêt de salariés représente donc une nouvelle alternative.
Une solution nocive à long terme
Le recours au prêt de salariés permet certes de sauver des emplois en période de crise. En revanche, rien ne prouve son efficacité à plus ou moins long terme. La systématisation d'un tel système pourrait même s'avérer dangereuse si le prêt des salariés n'est pas strictement encadré. Toutes les dérives sont possibles: multiplication des missions, marchandisation du prêt des salariés, augmentation du stress lié aux changements d'environnement (travail, collègues, employeurs, etc.), exigences de rendement élevées, inadéquation entre les tâches et les compétences du salarié, etc. La liste est longue.
La réification poussée à l'extrême aura également des conséquences à l'avenir sur le marché de l'emploi. En témoigne le clip de présentation de Flexojob dans lequel on nous vante les mérites d'un tel concept. Le salarié est réduit à une marchandise que l'on peut emprunter un peu "partout en France". Gageons que "notre regard sur l'emploi" aura changé, comme nous l'exhorte à plusieurs reprises le clip. Convaincu ou pas, on imagine son patron le nez vissé à son écran d'ordinateur en train de faire ses emplettes sur Internet. Un jour, on se dit, il devra peut-être aller chercher ses salariés 2.0 au drive d'à côté, entre les packs d'eau minérale et les pizzas surgelées.
Dimitri Marguerat