Au sein de la communauté scientifique, la puissance de l'innovation ouverte fascine les chercheurs. Outre l'étude du phénomène, certains instituts se sont lancés dans l'aventure en créant leur propre plateforme de crowdsourcing. C'est le cas notamment de l'Institut Entrepreneurship & Management (IEM) de la Haute école spécialisée de Suisse orientale du Valais (HES-SO Valais) qui a lancé en coopération avec la Haute école de gestion Fribourg (HEG-FR) la plateforme iBrain, une des premières du genre dans le monde universitaire suisse.
A la fois objet d'étude et outil marketing, iBrain doit permettre à terme de favoriser le développement de la recherche appliquée au sein de la HES-SO. Notamment en créant des synergies entre l'industrie et la haute école. Retour sur un rêve qui semble enfin à portée de main.
Réunir les cerveaux de Suisse romande
iBrain a été lancée en 2009 par Antoine Perruchoud, directeur de l'IEM, en collaboration avec la plateforme suisse Atizo, avec un but simple: fédérer l'ensemble des collaborateurs de la HES-SO.* Soit au total plus de 20'000 personnes (étudiants, professeurs, chercheurs, etc.) réparties sur 27 sites et 7 cantons de Suisse romande.
La communauté compte aujourd'hui 2'000 personnes. Des collaborateurs principalement de la HES-SO Valais et Fribourg. C'est encore peu au regard des objectifs affichés. Mais Antoine Perruchoud en est conscient: "Un effort important doit encore être fait, explique-t-il, notamment pour développer la plateforme sur les autres sites de la HES-SO. Tous les éléments sont cependant en place. Il faut maintenant développer massivement la communauté, ce qui reste l'un des buts principaux de l'Open Innovation."
Créer des synergies entre la recherche et l'industrie
Si la création de la plateforme iBrain s'inscrit dans un projet de recherche appliquée, le projet est avant tout l'expression d'une volonté de créer des synergies entre l'industrie et la recherche. "iBrain doit permettre de favoriser le développement de produits, estime Antoine Perruchoud, en favorisant l'innovation au sein du tissu économique local." Après le challenge de l'innovation, le directeur de l'IEM espère aussi pouvoir s'occuper de développer des prototypes en travaillant étroitement avec d'autres instituts de recherche.
Jusqu'à maintenant, l'IEM a travaillé quasi exclusivement avec des acteurs valaisans actifs dans le tourisme. Notamment l'Institut de Tourisme (ITO), rattaché à la HES-SO du Valais, qui a demandé par exemple aux membres d'iBrain de trouver des solutions pour dynamiser le tourisme en Valais. L'idée primée, intitulée "Valais Expérience", a germé dans la tête de Xavier Bianco, Marketing & Communication Manager de la HES-SO Valais. Le collaborateur a proposé une campagne thématique permettant "aux vacanciers de vivre une expérience originale et unique: participer aux vendanges, gravir un 4000, soirée avec un préparateur de pistes de ski, lever du soleil et petit déjeuner à 3000 m, etc."
L'IEM met encore en avant une collaboration avec Valais/Wallis 2015 pour célébrer la journée officielle du bicentenaire du Valais le 7 août 2015. Un concours a été lancé et huit idées ont été sélectionnées. Les deux meilleures seront prochainement récompensées. Un système de récompense qui est couramment utilisé sur les plateformes de crowdsourcing afin de fidéliser les membres de la communauté.
La question de la protection intellectuelle des idées
Pour les entreprises, le temps du brainstorming entre collègues est bien révolu. Le crowdsourcing leur permet aujourd'hui de s'appuyer sur des réseaux de créateurs presque illimités. Parmi les atouts figurent également la traçabilité et la transparence. Une transparence qui ne va pas sans poser quelques problèmes avec la question de la protection intellectuelle des idées. La société Mammut en a fait l'amère expérience avec sa fermeture éclaire qui s'inspire des sacs en plastique utilisés pour la congélation. L'idée avait été proposée par un internaute sur la plateforme Atizo. Accessible publiquement, l'idée avait été reprise ensuite par d'autres marques concurrentes sans que Mammut puisse s'y opposer.
Selon Antoine Perruchoud, des progrès reste à faire pour protéger les idées qui émergent sur de telles plateformes. "Sur iBrain, précise-t-il, il est déjà possible de cibler les invitations à un challenge (par exemple, uniquement les étudiants, les professeurs, les collaborateurs, etc.). Il serait très facile également de collecter les idées d'un challenge sans les divulguer." Les entreprises auraient ainsi tout loisir de les protéger par la suite. Une petite incartade au principe de l'innovation ouverte. Mais c'est le prix à payer, semble-t-il, pour rassurer les entreprises.
* Atizo a vendu une licence d'exploitation à l'IEM. D'où la très grande ressemblance entre les plateformes Atizo et iBrain.
Dimitri Marguerat