Le 4 octobre prochain, l'initiative fédérale "Pour un revenu de base inconditionnel" sera déposée à Berne avec plus de 130'000 signatures. Un joli succès pour une initiative qui propose de révolutionner notre modèle de sécurité sociale. Prémices d'une révolution en terre helvète? Ou quand l'utopie s'invite en politique.
A l'origine du revenu de base
A l'origine du revenu de base
Le revenu de base inconditionnel (RBI), aussi appelé revenu universel, ou revenu d'existence, ou encore allocation universelle, est un revenu versé à chaque membre d'une communauté, qu'il soit riche ou pauvre, sans contrepartie, lui permettant ainsi de satisfaire ses besoins primaires.
A l'origine du concept, des textes fondateurs comme l'Utopia (1516) de Thomas More ou l'Agrarian Justice (1796) de Thomas Paine, dans lequel ce dernier évoque l'idée d'un revenu inconditionnel de base alloué à chaque adulte et d'une rente vieillesse versée aux personnes âgées de plus de 50 ans.
Aujourd'hui, la majorité des partisans de l'allocation universelle se compte parmi les marxistes, les libertariens et les écologistes. Mais l'idée fait son chemin. Et commence à intéresser bon nombre de personnes - experts comme hommes politiques.
Des expérimentations prometteuses
Il faut dire que certaines expérimentations ont été prometteuses, comme l'a relevé notamment Stanislas Jourdan dans l'un de ses articles. Au Canada, par exemple, une expérience fut menée entre 1975 et 1979 à Dauphin dans le Manitoba avec des effets inattendus: baisse des hospitalisations, réduction des maladies psychiques, effets bénéfiques sur la scolarité des enfants, etc.
Durant les années 1960 et 1970, les Etats-Unis ont également expérimenté un "impôt négatif"* dans différents milieux pour lutter contre la pauvreté. Et là aussi, les effets ont été inattendus: augmentation des divorces (relativisée toutefois selon certaines études), diminution du temps de travail de 1 à 8% chez les hommes mariés, de 15 à 20% chez les femmes mariées et de 15 à 27% pour les mères isolées, etc. Suite à cette expérience, l'effet désincitatif (quitter son travail) a été passablement discuté. Selon certains experts, l'impôt négatif n'est pas déterminant sur l'éthique du travail. Pour d'autres, à l'inverse, l'expérience a montré que l'effet désincitatif était tout à fait déterminant.
Plus récemment encore, des expériences ont été menées dans des pays en voie de développement. Notamment dans un village en Namibie, entre 2008 et 2009, avec le versement d'un revenu de base mensuel de 9 euros aux 930 habitants du village. Ou au Brésil, avec la mise en place de la "Bolsa Familia" par l'ancien président Lula Da Silva, une bourse versée aux familles dont les enfants sont scolarisés. On trouve également d'autres expériences plus anecdotiques - pour ne pas dire "exotiques" -, dans des pays où le revenu du pétrole joue un rôle déterminant. En Iran, par exemple. Mais aussi au Koweït et en Arabie saoudite.
Le revenu de base inconditionnel
En Suisse, les initiants veulent inscrire dans la Constitution le principe du revenu de base inconditionnel (RBI)**, un revenu versé à tout le monde qui ne remplacerait pas les prestations sociales de l'Etat, mais qui s'y substituerait jusqu'à hauteur de son montant. Estimé à Fr. 2'500.- par mois pour un adulte et à Fr. 625.- par mois pour un mineur, le RBI devrait normalement être déduit du salaire mensuel de chaque salarié. Un employé qui gagnerait ainsi Fr. 6'000.- par mois recevrait de son employeur uniquement la somme Fr. 3'500.-, le reste correspondant au versement du RBI. Les salariés touchant un revenu modeste devraient par contre pouvoir cumuler le RBI avec leur salaire.
"Il ne s'agit pas d'un démantèlement social, nous rassure Ralph Kundig, président de l'association BIEN-Suisse - une association qui promeut le principe et soutient activement l'initiative. Dans nos sociétés, la sécurité sociale est basée sur le revenu du travail. Or, depuis une vingtaine d'années, de nombreux emplois ont été supprimés. Les entreprises délocalisent et l'automatisation a remplacé les salariés. Comment, dès lors, financer la sécurité sociale? Comment garantir aux exclus du marché du travail des prestations sociales décentes? L'une des solutions consiste à introduire une sécurité économique, autrement dit un revenu de base inconditionnel, qui permettrait de ne plus faire dépendre la couverture des besoins vitaux de l'accomplissement d'un travail rémunéré."
Les bouleversements attendus
A l'origine du concept, des textes fondateurs comme l'Utopia (1516) de Thomas More ou l'Agrarian Justice (1796) de Thomas Paine, dans lequel ce dernier évoque l'idée d'un revenu inconditionnel de base alloué à chaque adulte et d'une rente vieillesse versée aux personnes âgées de plus de 50 ans.
Aujourd'hui, la majorité des partisans de l'allocation universelle se compte parmi les marxistes, les libertariens et les écologistes. Mais l'idée fait son chemin. Et commence à intéresser bon nombre de personnes - experts comme hommes politiques.
Des expérimentations prometteuses
Il faut dire que certaines expérimentations ont été prometteuses, comme l'a relevé notamment Stanislas Jourdan dans l'un de ses articles. Au Canada, par exemple, une expérience fut menée entre 1975 et 1979 à Dauphin dans le Manitoba avec des effets inattendus: baisse des hospitalisations, réduction des maladies psychiques, effets bénéfiques sur la scolarité des enfants, etc.
Durant les années 1960 et 1970, les Etats-Unis ont également expérimenté un "impôt négatif"* dans différents milieux pour lutter contre la pauvreté. Et là aussi, les effets ont été inattendus: augmentation des divorces (relativisée toutefois selon certaines études), diminution du temps de travail de 1 à 8% chez les hommes mariés, de 15 à 20% chez les femmes mariées et de 15 à 27% pour les mères isolées, etc. Suite à cette expérience, l'effet désincitatif (quitter son travail) a été passablement discuté. Selon certains experts, l'impôt négatif n'est pas déterminant sur l'éthique du travail. Pour d'autres, à l'inverse, l'expérience a montré que l'effet désincitatif était tout à fait déterminant.
Plus récemment encore, des expériences ont été menées dans des pays en voie de développement. Notamment dans un village en Namibie, entre 2008 et 2009, avec le versement d'un revenu de base mensuel de 9 euros aux 930 habitants du village. Ou au Brésil, avec la mise en place de la "Bolsa Familia" par l'ancien président Lula Da Silva, une bourse versée aux familles dont les enfants sont scolarisés. On trouve également d'autres expériences plus anecdotiques - pour ne pas dire "exotiques" -, dans des pays où le revenu du pétrole joue un rôle déterminant. En Iran, par exemple. Mais aussi au Koweït et en Arabie saoudite.
Le revenu de base inconditionnel
En Suisse, les initiants veulent inscrire dans la Constitution le principe du revenu de base inconditionnel (RBI)**, un revenu versé à tout le monde qui ne remplacerait pas les prestations sociales de l'Etat, mais qui s'y substituerait jusqu'à hauteur de son montant. Estimé à Fr. 2'500.- par mois pour un adulte et à Fr. 625.- par mois pour un mineur, le RBI devrait normalement être déduit du salaire mensuel de chaque salarié. Un employé qui gagnerait ainsi Fr. 6'000.- par mois recevrait de son employeur uniquement la somme Fr. 3'500.-, le reste correspondant au versement du RBI. Les salariés touchant un revenu modeste devraient par contre pouvoir cumuler le RBI avec leur salaire.
"Il ne s'agit pas d'un démantèlement social, nous rassure Ralph Kundig, président de l'association BIEN-Suisse - une association qui promeut le principe et soutient activement l'initiative. Dans nos sociétés, la sécurité sociale est basée sur le revenu du travail. Or, depuis une vingtaine d'années, de nombreux emplois ont été supprimés. Les entreprises délocalisent et l'automatisation a remplacé les salariés. Comment, dès lors, financer la sécurité sociale? Comment garantir aux exclus du marché du travail des prestations sociales décentes? L'une des solutions consiste à introduire une sécurité économique, autrement dit un revenu de base inconditionnel, qui permettrait de ne plus faire dépendre la couverture des besoins vitaux de l'accomplissement d'un travail rémunéré."
Les bouleversements attendus
Comment, dès lors, inciter les bénéficiaires du RBI à travailler? Les salariés ne vont-ils pas quitter en masse leur travail? L'effet désincitatif est un argument récurrent dans la bouche des opposants. Sur la base des expérimentations, cependant, rien ne laisse présager que l'instauration du RBI conduirait à une désaffection massive des salariés à l'égard du travail. Les études ont montré que l'effet désincitatif n'était pas massif et variait fortement d'un groupe cible à l'autre.
"BIEN-Suisse n'est pas contre le travail, tient à préciser Ralph Kundig. A l'inverse, ses membres établissent une valeur éthique dans le travail en requalifiant le travail non rémunéré et en découplant partiellement l'activité professionnelle du revenu. Le RBI devrait ainsi permettre à chacun de s'engager dans des travaux d'intérêt public, une tâche que les emplois traditionnels n'ont pas vocation d'assumer."
En offrant une véritable sécurité économique, le RBI accorderait surtout à chaque bénéficiaire une liberté de choix. Le salarié ne serait plus contraint d'accepter n'importe quel travail. L'employeur, de son côté, devrait rendre le travail plus attrayant. C'est également la création artistique qui s'en trouverait valorisée en libérant les salariés des contraintes liées au travail.
30 milliards à trouver
Reste la question du financement. Un argument qui risque de peser lourd dans la balance à l'heure du vote. Pour un coût global de 200 milliards de francs (sur la base d'un revenu de base de Fr. 2'500.- par adulte et de Fr. 625.- par enfant), BIEN-Suisse a calculé un premier transfert de charges de l'ordre de 110 milliards de francs, la part des revenus du travail que le RBI devrait remplacer, soit grosso modo ce que les entreprises n'auraient plus à verser aux salariés. Un second transfert de charges a été estimé à 60 milliards de francs, correspondant cette fois-ci aux prestations sociales existantes (rentres AVS, AI, assurances chômages, aides sociales, etc.). Reste donc à trouver 30 milliards, un montant plutôt réaliste pour une telle utopie.
"Dans l'historie, conclut Ralph Kundig lorsqu'on l'interpelle sur la question du financement, les droits collectifs ont toujours été combattus en raison de leurs coûts. La question du financement ne saurait masquer la réalité: la fin du plein emploi. Si l'initiative n'aboutit pas, le principe du RBI resurgira sous une forme ou sous une autre."
Dimitri Marguerat
* Il s'agit de la garantie d'un revenu minimal lorsque les ressources sont inférieures à un certain seuil de revenu (crédit d'impôt).
** Texte de l'initiative populaire:
La Constitution est modifiée comme suit:
Art. 110a (nouveau) Revenue de base inconditionnel
"BIEN-Suisse n'est pas contre le travail, tient à préciser Ralph Kundig. A l'inverse, ses membres établissent une valeur éthique dans le travail en requalifiant le travail non rémunéré et en découplant partiellement l'activité professionnelle du revenu. Le RBI devrait ainsi permettre à chacun de s'engager dans des travaux d'intérêt public, une tâche que les emplois traditionnels n'ont pas vocation d'assumer."
En offrant une véritable sécurité économique, le RBI accorderait surtout à chaque bénéficiaire une liberté de choix. Le salarié ne serait plus contraint d'accepter n'importe quel travail. L'employeur, de son côté, devrait rendre le travail plus attrayant. C'est également la création artistique qui s'en trouverait valorisée en libérant les salariés des contraintes liées au travail.
30 milliards à trouver
Reste la question du financement. Un argument qui risque de peser lourd dans la balance à l'heure du vote. Pour un coût global de 200 milliards de francs (sur la base d'un revenu de base de Fr. 2'500.- par adulte et de Fr. 625.- par enfant), BIEN-Suisse a calculé un premier transfert de charges de l'ordre de 110 milliards de francs, la part des revenus du travail que le RBI devrait remplacer, soit grosso modo ce que les entreprises n'auraient plus à verser aux salariés. Un second transfert de charges a été estimé à 60 milliards de francs, correspondant cette fois-ci aux prestations sociales existantes (rentres AVS, AI, assurances chômages, aides sociales, etc.). Reste donc à trouver 30 milliards, un montant plutôt réaliste pour une telle utopie.
"Dans l'historie, conclut Ralph Kundig lorsqu'on l'interpelle sur la question du financement, les droits collectifs ont toujours été combattus en raison de leurs coûts. La question du financement ne saurait masquer la réalité: la fin du plein emploi. Si l'initiative n'aboutit pas, le principe du RBI resurgira sous une forme ou sous une autre."
Dimitri Marguerat
* Il s'agit de la garantie d'un revenu minimal lorsque les ressources sont inférieures à un certain seuil de revenu (crédit d'impôt).
** Texte de l'initiative populaire:
La Constitution est modifiée comme suit:
Art. 110a (nouveau) Revenue de base inconditionnel
1. La Confédération veille à l'instauration d'un revenu de base inconditionnel.
2. Le revenu de base doit permettre à l'ensemble de la population de mener une existence digne et de participer à la vie publique.
3. La loi règle notamment le financement et le montant du revenu de base.
Brochure de BIEN-Suisse sur le revenu de base inconditionnel
Brochure de BIEN-Suisse sur le revenu de base inconditionnel