Au mois de juillet dernier, le licenciement par SMS de 12 salariés d'un restaurant en Floride a suscité pas mal de réactions indignées de par le monde. Un licenciement 2.0 qui n'est pas passé inaperçu et qui est loin d'être un acte isolé.
En France, à en croire Le Figaro, la pratique est légale et des employés d'une société d'aide à la personne ont été virés par texto à Évreux en novembre 2012. En Suisse, la pratique n'est pas courante. Mais est-elle légale?
Une grande liberté juridique
Sur le plan juridique, votre patron n'est pas obligé de vous notifier par lettre recommandée la résiliation de vos rapports de travail - comme on pourrait naïvement le penser. Un licenciement peut être transmis par oral, par e-mail, voire même par SMS. Tout dépend, en fait, de ce qui figure sur votre contrat de travail et/ou convention collective de travail.
"Au sujet de la manière de notifier un congé, explique Me Pierre Matile, spécialiste en droit du travail et fondateur de Conseiller Juridique d'Entreprises (CJE), le droit suisse laisse une assez grande liberté - sous réserve de règles contenues dans le contrat de travail ou dans une convention collective. Ce qui est déterminant pour savoir à quelle date prendra fin le contrat de travail, c'est le moment auquel la résiliation est parvenue à son destinataire. Dans certaines circonstances, le congé peut être même réputé valable s'il est transmis au conjoint du destinataire."
La question de la preuve
En Suisse, peu de licenciements par SMS ont été signalés. Les employeurs préfèrent en principe mettre un terme aux rapports de travail avec leurs employés par courrier recommandé. Ça leur évite pas mal d'ennuis. Notamment la production de la preuve du moment auquel le collaborateur a été informé de son licenciement. "Si l'employeur veut licencier par SMS, prévient Me Pierre Matile, il devrait prévoir des règles spécifiques dans le contrat de travail."
Ou alors, apporter la preuve du moment exact auquel le texto est parvenu à son destinataire. Ce qui reste techniquement possible et tout à fait recevable sur le plan juridique. "Ce qui est important, c'est le moment auquel le SMS est parvenu à son destinataire, explique Me Pierre Matile, et non pas le moment auquel le destinataire en a pris connaissance. C'est comme pour un courrier recommandé : on peut déterminer le moment auquel le destinataire a reçu le pli recommandé, mais on ignore le moment auquel il a pris connaissance du contenu du pli recommandé."
Une pratique légale, mais très peu éthique
Licencier ses employés par le biais d'un texto, c'est bien légal en Suisse, mais ça reste une pratique fortement déconseillée. Pour ne pas dire décriée. Lorsqu'une entreprise décide de se séparer d'un collaborateur, le mieux serait peut-être qu'elle prenne ses responsabilités et expose ses motifs à la personne concernée de vive voix.
En France, le code du travail précise que l'employeur qui envisage de licencier un salarié doit le convoquer à un entretien préalable. Une disposition légale inexistante en Suisse, mais qui aurait le mérite de mettre les entreprises devant leurs responsabilités.
Dimitri Marguerat
Licenciement par SMS, la Suisse encore épargnée
Marché de l'emploi -
12 septembre 2013