< Retour

Faut-il être chercheur pour être heureux?

Marché de l'emploi -
26 septembre 2012


Faut-il être chercheur pour être heureux?
Ecrit par l'économiste Daniel Cohen, Homo Economicus - Prophète (égaré) des temps nouveaux - porte un regard critique sur l'évolution de la société contemporaine, où la compétition a pris le pas sur la coopération.
Dans le monde professionnel, la concurrence règne. L'émergence d'un "capitalisme "˜financier'" dans les années 80 en est la cause (p.43). Assimilable à une famille à l'ère du fordisme (p.55), l'entreprise est désormais le théâtre d'inégalités grandissantes et arbitraires ayant mené à la création d'une "hyperclasse" autosuffisante (pp.59-62). Rien de nouveau sous le soleil, rappelle l'auteur en évoquant la structure de la société romaine à son apogée, une civilisation tombée par la suite en décadence, sous la pression des peuples barbares notamment.
Assiste-t-on une nouvelle fois au "déclin de l'Empire d'Occident", les Etats-Unis en tête ? Une chose est sure, "après la Méditerranée dans l'Antiquité et l'Atlantique à l'âge moderne, le Pacifique devient la mare nostrum du capitalisme nouveau" (p.100), avec la Chine comme chef de fil. Tournant le dos à l'Oncle Sam endetté et à l'Europe prisonnière de sa monnaie, l'Homo economicus a posé ses valises en Asie. Là-bas aussi, les inégalités font rage, générant leur lot de frustrations parmi les pauvres et les moins riches. Les correspondances historiques établies par Daniel Cohen au fil de son livre évoquent la bipolarité de l'être humain, qui oscille entre la volonté de se comparer aux autres, de les challenger et le besoin de collaborer avec eux.
Aujourd'hui, l'ère numérique a succédé à la télévision et la nouvelle révolution industrielle délaisse les machines pour se focaliser sur l'homme par le biais de la génétique. La société actuelle est soumise à un paradoxe qui consiste à voir cohabiter une économie marchande dominante et des secteurs moteurs qui ne fonctionnent pas selon son modèle (éducation, recherche, santé, économie numérique) (p.193).
Dans sa conclusion, Daniel Cohen fait part de l'incertitude liée à la complexité de la société post-industrielle et souligne la nécessité de rétablir l'équilibre entre la compétition omniprésente et la coopération déchue pour atteindre le bonheur que "tout le monde cherche" (p.11). Le compromis semble possible au regard de l'exemple suivant (p.194) :

La recherche scientifique, qui se loge généralement dans les établissements d'enseignement supérieur, est certes soumise à une concurrence mondiale, mais la connaissance n'entre pas pour autant dans le champ de l'économie marchande. Les idées ont besoin de circuler librement pour prospérer. La recherche fondamentale donne à cet égard l'excellent modèle d'une activité qui réussit à être concurrentielle et coopérative à la fois.

Moralité : faut-il être chercheur pour être heureux ? Ce raccourci ferait injure à l'ouvrage de l'économiste, qui tisse, en un peu plus de 200 pages, un réseau dense de références lui conférant, en plus de son dessein initial, une valeur historique non négligeable.

LP
Auteur: Daniel Cohen
Editeur: Editions Albin Michel
Année de parution: 2012
Où le trouver: Librairie Payot

Jobtic logo