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Moins de temps au travail pour répondre à la globalisation

Marché de l'emploi -
25 avril 2012


Moins de temps au travail pour répondre à la globalisation

Une étude soutenue par le Fond national suisse (FNS) a révélé que le temps de travail des personnes professionnellement actives a diminué d'un tiers ces 60 dernières années. Mais moins de temps passé au travail ne signifie pas forcément moins de travail.
Co-auteur de l'étude, Michael Siegenthaler, du Centre de recherches conjoncturelles (KOF),  répond ci-dessous à quelques questions suscitées par le communiqué de presse.

JobticMag : Vous dites que "... l'horaire ne dit rien de l'intensité du travail: or avec le temps, cette dernière a bel et bien augmenté, en raison de certaines modifications des conditions-cadre, par exemple le fait d'être toujours atteignable."
> La distinction travail - vie privée n'est donc plus aussi nette. Pour quelles raisons ?

Michael Siegenthaler : La séparation travail - vie privée est effectivement moins marquée. Par le passé, les activités professionnelles avaient tendance à être moins fastidieuses. Il y avait moins de pression liée aux délais à respecter, un nombre plus restreint de collaborateurs devaient prendre des responsabilités, et les emplois à caractère physique occupaient une place bien plus importante.
Le pourcentage de collaborateurs pouvant se couper de leur vie professionnelle une fois la journée de travail terminée ou durant le week-end tend à se réduire. Cela n'est pas un hasard si l'expression "Work-Life Balance" associée au monde du travail actuel est devenue un concept à la mode dans la littérature spécialisée.
Ces effets sont notamment liés à la globalisation et à la pression de la concurrence sur les entreprises qui en découle et touche à leur tour les employés. Enfin, la compétition pour l'acquisition des postes de travail a augmenté : Dans les années 50 et 60, un Suisse avait peu de peine à trouver un emploi. Ces temps sont révolus. Les employés sont aujourd'hui en concurrence avec les demandeurs d'emploi et les candidats étrangers.   

JobticMag : "Selon les chercheurs, il n'y a pas de contradiction entre, d'un côté, cet important recul - ndr. La diminution du temps de travail - et, de l'autre, la charge de travail énorme et l'augmentation du nombre de cas de burn-out que l'on constate souvent."
> Ne faut-il pas remettre en cause le télétravail, le travail à temps partiel (taux d'occupation effectif souvent supérieur à celui annoncé officiellement) et l'augmentation du nombre de vacances (plus de vacances certes, mais plus de stress dans son quotidien professionnel) ?
> S'agit-il des effets pervers d'une approche prétendument plus humaine du monde du travail ?

Michael Siegenthaler : Non. Ces mesures entraînent en principe une diminution de la charge de travail. De telles mesures ne sont pas la cause mais la conséquence de l'augmentation de la pression sur le travail occasionnée par exemple par la globalisation !
En général, le travail à temps partiel, le télétravail et les vacances augmentent la flexibilité des employés dans la gestion de leur vie et de leurs loisirs. Cela n'est pas un hasard si de nombreux collaborateurs optent pour le travail à temps partiel en Suisse. Il est en outre indéniable que les pauses contribuent à diminuer le stress sur le lieu de travail.
Parfois, les arrangements tels que le télétravail ou le travail à temps partiel peuvent néanmoins générer du stress et un affaissement de l'équilibre vie-travail. C'est le cas lorsque les collaborateurs concernés ne peuvent pas composer avec l'organisation proposée - ou lorsque la réduction du temps de travail ne va pas de paire avec la diminution de la charge effective. Un travail à temps partiel avec les mêmes tâches à effectuer qu'en plein emploi est naturellement contreproductif !

JobticMag : "... grâce à la libre circulation des personnes, par exemple, les employeurs ont pu pourvoir des postes pour lesquels, par le passé, ils ne trouvaient pas de collaborateurs qualifiés."
> Le manque de personnel qualifié ne date donc pas d'hier. Cette pénurie durable est-elle due à un système de formation professionnelle suisse non adapté ?

Michael Siegenthaler : De manière générale, le système Suisse de formation correspond très bien au monde du travail. L'apprentissage et la formation supérieure orientée vers la pratique fournissent aux jeunes en fin de scolarité le savoir approprié pour répondre aux besoins de l'économie.
En cette période de bouleversements économiques, le fait de compter un grand nombre d'employés ayant reçu une formation très spécifique peut cependant partiellement être un inconvénient pour la Suisse. Dans ce contexte, l'apport de généralistes capables de s'adapter à un environnement de travail mouvant pourrait être bénéfique pour notre pays. L'économie peut pour le moment trouver sa force de travail manquante à l'étranger.


JobticMag : "  Cette croissance fulgurante en matière d'emplois comporte des risques, estiment les chercheurs. Elle ne saurait se poursuivre éternellement à un rythme pareil, relève Michael Siegenthaler, qui rappelle que la croissance est liée, par exemple, à une augmentation de l'utilisation du terrain, lequel, comme on le sait, est une denrée limitée."
> Quels seraient les autres risques ?

Michael Siegenthaler : La Suisse a surtout grandi en largeur ces dernières années : Il s'est agi d'une croissance quantitative, l'augmentation des revenus individuels et de la productivité étaient modestes. 
A moyen terme, ce type de croissance pourrait par exemple aller à l'encontre de l'acceptation d'une politique d'ouverture de la Suisse aux travailleurs étrangers.
En outre, il n'est pas possible d'assurer une production identique avec moins de personnel ou une production supérieure avec la même consommation de ressources sans une meilleure productivité du travail. C'est par exemple problématique d'un point de vue écologique.

 
JobticMag : Quel regard portez-vous sur l'évolution actuelle du marché du travail suisse ?

Michael Siegenthaler : J'ai un bon sentiment global : Le marché du travail helvétique semble très attractif : beaucoup de gens veulent y travailler. Sa flexibilité devrait lui permettre de s'adapter à des conditions cadres fluctuantes dans le futur également.

Propos recueillis et traduits de l'allemand par LP

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